Boutcha, le nouveau Timisoara

Les médias nous inondent d’images abominables de la banlieue de Boutcha. Des vidéos anonymes, principalement de source ukrainienne, utilisent le floutage, le camouflage et des témoignages surjoués pour démontrer les pires exactions des troupes russes (minage des cadavres, exécutions sommaires, tortures, viols). La violence des images est proportionnelle à leur incohérence (dissémination et abandon des morts dans des positions suspectes, indifférence des passants et des automobilistes, sacs mortuaires immaculés jetés dans une tranchée à quelques mètres d’une église). Cela fait penser au faux charnier de Timisoara. En 1983, dans le cimetière de Timisoara, la télévision yougoslave avait mis en scène vingt cadavres sensés illustrer le massacre par la police de Ceausescu de milliers de manifestants. Les télévisions occidentales avaient relayé sans réserve cette information mensongère. L’effroi et l’indignation générale avaient permis l’arrestation et l’exécution du dictateur et de son épouse après un simulacre de procès. L’exhumation de vieux cadavres et la fiction d’un massacre avaient suffi. Au Kosovo en 1999, le scénario avait été similaire avec l’exhibition de morts sur le bas-côté de la route de Raçak. Cette mise en scène macabre avait déclenché l’intervention de l’OTAN.

Aujourd’hui, à Boutcha, les médias occidentaux sont totalement alignés sur la propagande ukrainienne. Ils devraient comprendre que les opinions publiques n’ont pas besoin  de ces manipulations pour conforter la ferme et légitime condamnation de l’invasion de l’Ukraine. De surcroit, la diffusion d’images douteuses  comporte des risques. Celui d’être désavoué par une enquête impartiale mais aussi celui de détruire toutes les perspectives de sortie de cette crise conditionnée  par la neutralité de l’Ukraine, le gel de l’avancée de l’OTAN et l’autodétermination des régions.

Daniel Fortis

1231 Conches                                                                                      Genève, le 5 avril 2022